Anlor Davin, enseignante du zen sōtō et co-fondatrice de Autsit,
un groupe de méditation pour personnes avec autisme
A. Bard de Palazuelos, tricycle, été 2021
Anlor Davin a passé une grande partie de sa vie en France à essayer de comprendre ce qui clochait chez elle. Elle était hypersensible à la lumière et au son, et incapable de se concentrer. Elle était triste et ne trouvait pas sa place.
"Il y a eu des moments dans ma vie où le bruit provoquaient en moi des douleurs lancinantes, comme si j’étais assise sur un réacteur d’avion au décollage", raconte Anlor. Ce n’est qu’à l’âge de 46 ans qu’elle est diagnostiquée comme souffrant d’un trouble du spectre autistique (TSA). Ce n’est qu’alors qu’elle peut mettre un nom sur la douleur et les difficultés qui l’assaillent depuis toujours.
Mais la vie d’Anlor commence à changer avant ce diagnostic. Elle a une trentaine d’années, élève son jeune fils et travaille comme enseignante dans le quartier sud de Chicago, lorsqu’une amie lui donne le livre Vivre zen de Charlotte Joko Beck. "Toute ma vie, j’avais essayé de comprendre pourquoi j’étais si malheureuse, si mal dans ma peau. Quand j’ai lu ce livre, je me suis dit : "Pourquoi je n’essaierais pas ça ?" C’est ainsi qu’Anlor découvre le zen.
Peu après, elle prend une décision audacieuse. Elle quitte son emploi et se rend au monastère zen de Green Gulch dans le comté de Marin, en Californie, où elle passe six mois. Elle découvre les bienfaits de la méditation dans la gestion des distractions sensorielles. Celles-ci génèrent chez de nombreux autistes de fortes réactions négatives. Les lumières et les couleurs tamisées du monastère lui font aussi le plus grand bien.
"À Green Gulch, comme dans tous les monastères zen que j’ai visités, les portes sont coulissantes. On ne les claque pas. Ce sont de petites choses qui comptent beaucoup pour les personnes autistes", dit Anlor.
Elle reçoit plus tard l’ordination d’enseignante laïque. (Dans la lignée de Shunryu Suzuki aux États-Unis, un pratiquant Soto peut être ordonné en tant qu’enseignant laïc ou en tant que membre du clergé).
Il y a une bonne dizaine d’années, Anlor tombe amoureuse de Greg Yates, présentant lui aussi un trouble du spectre de l’autisme et pratiquant le zen. Ensemble, ils créent Autsit, un groupe de méditation destiné aux personnes adultes souffrant d’un TSA, ainsi qu’à leurs soignants, familles et amis.
"La méditation n’est pas différente en soi pour les personnes autistes", dit Anlor. Dans leurs groupes, les méditations sont plus courtes, mais elle a constaté que les autistes n’ont pas de mal à rester assis pour méditer. "Vous seriez surpris. Je connais au moins une amie autiste qui a du mal à rester immobile, mais qui peut parfaitement rester sans bouger pendant les trente minutes de la méditation", ajoute-t-elle.
Les séances sont limitées à une heure : trente minutes de méditation assise suivies d’échanges sur le contenu d’un texte ou les propos de l’enseignant(e).
"Nous savons que la plupart des autistes n’aiment pas parler très longtemps, alors nous faisons court", dit Anlor. "Dans la discussion qui suit, il y a une vraie candeur. Et ça, c’est magnifique".
Après la méditation, Anlor lit souvent des passages du canon pali (le Metta Sutta est l’un de ses préférés) ou des enseignements de son professeur, Norman Fischer, un des enseignants chevronnés du San Francisco Zen Center, affilié à Green Gulch. Anlor a raconté son parcours dans un livre, Être reconnue, publié aux Éditions À la fabrique en 2016.
Avant la propagation du COVID-19, Autsit se réunissait dans des locaux de l’Université dominicaine de San Rafael, en Californie. Tout au long de la pandémie, les sessions ont été organisées deux fois par mois en ligne sur Autsit.net.
Depuis 2011, Anlor et Greg organisent des retraites annuelles dans un chalet sur la rive sud du lac Tahoe. Anlor considère que les retraites de méditation traditionnelles sont souvent bondées et trop exigeantes pour les personnes avec autisme. Les retraites d’Autsit comptent généralement, outre l’enseignant(e) quatre ou cinq personnes. Il y a trois séances de méditation par jour, entrecoupées d’activités ludiques, comme le kayak ou la randonnée, et de tâches diverses, comme couper du bois et aller chercher de l’eau.
Anlor profite elle aussi de la possibilité de méditer avec d’autres personnes dans un environnement adapté aux autistes. "La seule chose que je n’ai jamais arrêtée au cours des deux dernières décennies, c’est la méditation", dit Anlor. Et d’ajouter : "J’ai trouvé la paix grâce aux enseignants zen, qui m’ont simplement permis d’ être moi-même."