Le Zen
Qu'est-ce que le Zen ?
On compare parfois l'activité incessante de l'esprit à une rivière au courant rapide et agité. Notre esprit produit sans interruption des pensées, des sensations, des émotions. Cette production ne s'arrête jamais. Elle est indépendante de notre volonté. Confronté à cela, nous pouvons choisir d'alimenter ce mental agité, comme on alimente un feu, en lui donnant du combustible, ou de prendre du recul, d'observer notre «cinéma intérieur» à la manière d'un témoin non impliqué.
L'homme qui s'identifie à l'agitation mentale est semblable à ces petits bateaux que les enfants confient à l'eau du ruisseau : ils sont emportés par le courant, ballottés de gauche à droite ; parfois ils se retournent et continuent à dériver quille en l'air ; parfois ils se font arrêter par des branchages qui bordent le ruisseau : l'esquif n'a pas de pilote et son parcours est tout à fait aléatoire. L'homme qui ne maîtrise pas l'esprit est semblable à ce bateau : il est le jouet du courant. Une telle situation entraîne normalement une catastrophe. Parce que nous nous identifions à nos productions mentales, nous sommes insatisfaits, nous souffrons.
Pratiquer la méditation Zen (zazen), c'est planter fermement un bâton au milieu de la rivière. A partir de cet ancrage, nous voyons défiler le courant de nos désirs, de nos émotions, de nos attachements, sans nous laisser emporter par eux. Nous cessons d'être des bouchons ballottés au gré des vagues, nous cessons de courir après des mirages.
Le Zen considère que le mental, l'esprit non maîtrisé, crée toutes sortes d'illusions et d'attachements, à l'origine de l'insatisfaction et de la souffrance humaines.
Assis en zazen, nous observons nos productions mentales (pensées, images, émotions, ...) sans nous y attacher, sans les alimenter. Lorsque notre esprit menace de s'emballer, nous revenons à la concentration sur le corps et sur la respiration. Ce qui importe, ce n'est pas tant ce que nous pensons ou ressentons, mais ce que nous faisons de ces pensées, de ces émotions. Il s'agit d'apprendre à laisser passer plutôt que de saisir. Laisser passer ? Il suffit de ne rien ajouter, ni commentaires, ni recherche, ni... Et revenir à la posture, à la respiration si nécessaire. « Laisser passer », permet d'expérimenter l'unité profonde du corps et de l'esprit, source de paix intérieure et de réconciliation avec soi-même et avec les autres. Parvenir à cette harmonie suppose d'abandonner l'esprit d'avidité, de profit qui fait que nous sommes toujours tendus vers l'avenir, jamais satisfaits de ce que nous avons et de ce que nous sommes. « Shikantaza » signifie « être simplement assis sans rien rechercher », concentré seulement sur l'instant présent.
Revenir à l'instant présent, c'est planter son bâton dans la rivière. Parmi les vagues du courant, beaucoup ont trait au passé ou à l'avenir. Trop souvent, nous passons nos vies à regretter ce qui a été et à espérer que l'avenir sera meilleur. Nous espérons que tel ou tel événement viendra résoudre nos problèmes : une rentrée d'argent, une rencontre amoureuse, la venue d'un enfant, etc. Puis nous nous apercevons que les solutions envisagées soit ne se présentent pas, soit ne résolvent rien, et n'empêchent de toute façon pas l'émergence de nouveaux problèmes. Le monde qui nous entoure est impermanent : tout change tout le temps. Nous nous réfugions alors dans de nouveaux espoirs. «Ainsi nous ne vivons jamais, disait Pascal , nous espérons de vivre ...» Et il ajoutait : « Si bien que nous disposant toujours à être heureux, il est inévitable que nous ne le soyons jamais.»
Le véritable miracle, c'est de cesser d'attendre qu'un miracle se produise. Croire que la solution viendra d'événements extérieurs est une illusion à laquelle nous nous abandonnons par facilité ou par manque de confiance en notre capacité à trouver en nous la réponse à notre souffrance. Ce que le zen propose, c'est un bien-être indépendant des conditions extérieures, matérielles ou affectives. Ceci n'a rien à voir avec un bonheur égoïste. Pour la plupart des gens, se libérer de la souffrance signifie changer les conditions dans lesquelles ils vivent. Le bouddhisme suggère que cette attitude contribue à créer de nouvelles attentes, de nouveaux attachements, et nous empêche de trouver en nous la réponse à notre insatisfaction.